9 décembre 2011

La beauté nécessaire



Peut-on ignorer la beauté, ne pas la rechercher, ne pas y succomber ? Sans doute... A voir le laid qui se propage et s'érige parfois en modèle, cela doit être possible. Quels sont les avantages de la laideur ?

Naturellement, reste à définir la beauté. Existe t-il des critères du beau ? L'histoire de l'art nous l'affirme et nous dit combien ils changent en fonction de l'époque et du lieu. Ce qui fait se pâmer un moment (les silhouettes callipyges) est durement corrigé dans un autre espace temps, ce qui propose une rupture avec la norme  (les impressionnistes par exemple) est tour à tour mis au pilori et - une fois martyrisé- porté aux nues. Comme s'il existait une  beauté scandaleuse, sauvage qui parle au cœur et au corps (proche des pulsions et de l'indomptable) et une beauté tranquille, civilisée  qui parle à la tête (proche des normes et de la maîtrise). Entre les deux, le chemin incontournable de la domestication.

Il existe une beauté qui nous porte vers la création, vers la vie, vers l'amour et une beauté qui nous porte vers la destruction, la violence et la mort. Entre deux, un tiède et rassurant équilibre. Les extrêmes ont ce même pouvoir hypnotique qui fait que nous échappons à nous-mêmes pour nous fondre dans le spectacle qui s'offre à nous. Nous sommes plus réceptifs à l'un ou à l'autre en fonction de ce qui existe en nous de pulsion de vie, d'attrait pour la mort, de curiosité morbide.

L'objectif du "Aesthetic Movement" anglais (milieu du XIXème siècle) était d'échapper à la laideur et au matérialisme. Le laid c'est l'utile, le beau c'est l'inutile. "L'art pour l'art" entonne ses inconditionnels. Il s'agit de créer un monde (essentiellement décoration intérieure) dominé par l'élégance inspirée du modèle de la Grèce antique et des estampes japonaises. Les tableaux, faïences, objets décoratifs éclatent d'un bleu et d'un blanc lumineux à l'image des porcelaines venues d'Asie. Les femmes aériennes aux mille drapés sont assoupies dans une langueur lascive, bouche à peine ouverte, comme dans l'attente d'un baiser léger. La beauté est une nécessité pour traverser le XIXème siècle industriel dont les émanations puantes rendent irrespirable l'air de Londres.

Le musée d'Orsay à Paris présente l'exposition "Beauté, morale et volupté dans l'Angleterre d'Oscar Wilde". On y admire les œuvres des principaux protagonistes du mouvement (Edward Burne-Jones, Frederic Leighton...). Le visiteur se laisse guider par les aphorismes d'Oscar Wilde -impertinente musique littéraire pour déranger l'esprit- semés ça et là entre les toiles.

Les bons points de cette splendide exposition vont à la richesse des pièces présentées, au magnifique Musée d'Orsay, aux salles supérieures avec vue en cascade sur la Seine, le jardin des Tuileries, les arcades de la rue de Rivoli et au loin le Sacré-cœur : Paris somptueux embrassé en un coup d’œil au travers de l'immense lentille d'une horloge de verre.


La mauvaise note sera pour la quasi illisibilité des informations et commentaires relatifs à l'exposition et la tristesse de la cafétéria nouvellement réaménagée (l'espace incontournable pour se poser, des images de beauté dans la tête...).


Vivre dans un monde où tout serait beauté est-ce concevable ? La beauté a besoin du laid pour exister, de l'utile pour être inutile. 




Photo : Frederic Leighton (1830-1896), Pavonia

Exposition "Beauté, morale et volupté dans l'Angleterre d'Oscar Wilde", Musée d'Orsay du 13 septembre 2011 au 15 janvier 2012

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